L’influence des Egyptiens dans Al-Qaëda
Chercheur et Spécialiste des Mouvements Islamistes
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Dix années se sont écoulées depuis la création d’Al-Qaëda. Une polémique se renouvelle alors sur les changements qui se sont produits dans l’organisation depuis sa fondation. Le point qui nous intéresse en particulier est de répondre à la question suivante : les Egyptiens constituent-ils encore la plus grande force à l’intérieur d’Al-Qaëda., devenue la plus célèbre et la plus forte organisation d’action islamique armée au monde ?
Cette question a plusieurs motifs. Premièrement, certains parlent d’une concurrence croissante entre le leader saoudien de l’organisation Ossama bin Laden et son assistant égyptien Aymane Al-Zawahri. Cette concurrence concerne leur apparition dans les médias à travers des messages vocaux ou filmés diffusés via Internet ou certaines chaînes satellites arabes. De plus, certains spécialistes des affaires d’Al-Qaëda ont écrit que les directions saoudiennes de l’organisation affichaient des restrictions concernant l’apparition médiatique continue de Zawahri, craignant que cette apparition ne soit le prélude à une succession. De plus, Al-Qaëda a dernièrement publié un livre signalant qu’il existe une polémique autour de la représentation des Egyptiens et leur rôle à l’intérieur d’Al-Qaëda ainsi que les changements qui sont survenus sur les forces qui dominent l’organisation.
Depuis la création de l’organisation, on se demande quels sont les Etats qui procurent à Al-Qaëda le plus grand nombre d’hommes. La réponse est que dans ce domaine, la concurrence est restée égypto-saoudienne, que ce soit au niveau de la direction de l’organisation ou de ses cadres.
Tout au début, la balance penchait du côté des éléments égyptiens. En effet, les moudjahidines égyptiens étaient ceux qui avaient le plus d’expérience dans le domaine de l’action armée et de l’insurrection. Ils ont assassiné Sadate et passé toutes les années 1980 et la moitié des années 1990 dans des affrontements armés. De plus, leurs branches intellectuelles et leurs cadres organisationnels sont nombreux. En effet, bien que la plupart des Egyptiens qui sont devenus membres d’Al-Qaëda soient issus du groupe du Djihad (auquel appartient Zawahri), une partie vient de la Jamaa Islamiya ainsi que d’autres petits groupes. Or, du côté saoudien, le militarisme n’a connu de cadres organisationnels que des années après.
C’est pour cela que les Egyptiens ont formé le noyau solide d’Al-Qaëda ainsi que la première génération qui constituait le cercle entourant directement Ossama bin Laden. En tête de tous ceux-ci, il y a Aymane Al-Zawahri, organisateur et cerveau de l’organisation, en plus de l’influence qu’il a sur tout son entourage et sur le leader lui-même.
Lors de sa fondation, Al-Qaëda a compté sur les hommes de l’ébullition militante qui a envahi l’Egypte au début des années 1980. Et qui en est sorti après l’entrechoquement sanglant avec le régime, pour se diriger vers l’Afghanistan puis le Soudan et pour fonder la base d’Al-Qaëda et fixer ses grands traits. Il n’y a donc pas de différends autour de l’importance de la force égyptienne à l’intérieur d’Al-Qaëda. Mais la situation a beaucoup changé ces dernières années. En effet, le réservoir du Djihad s’est relativement vidé après que l’Etat eut réussi à liquider et à dominer les organisations islamiques à l’intérieur du pays.
C’est ainsi que les moudjahidines égyptiens se sont trouvés incapables de munir Al-Qaëda en hommes pour préserver leur forte présence au niveau de la direction ou pour combler le manque à la suite de la mort de l’élite d’Al-Qaëda à cause des affrontements de l’après 11 septembre.
Ceci a coïncidé avec la large ouverture du Front du djihad saoudien. Après l’invasion du Koweït et l’installation de bases américaines sur les territoires saoudiens, celui-ci s’est débarrassé des dernières contraintes légitimes qui l’empêchaient d’annoncer son insurrection au pouvoir « légitime » d’Al-Saoud, et de le prôner. De plus, le front a découvert des réserves de fondamentalistes djihadistes aussi importantes et aussi répandues que les réserves saoudiennes en pétrole !
C’est ainsi que le courant du djihad égyptien qui s’y connaissait en politique a reculé à l’intérieur d’Al-Qaëda pour laisser la place à un courant fondamentaliste du djihad qui fournit à l’organisation des forces humaines issues de l’Arabie saoudite et des pays du Golfe. Et ce, particulièrement après les événements du 11 septembre ou la conquête de Manhattan effectuée par 19 djihadistes appartenant à Al-Qaëda et qui sont tous des Saoudiens.
Il est vrai que Bin Laden est l’unique Saoudien célèbre au niveau de la direction. Mais tous les rapports concernant les forces humaines d’Al-Qaëda affirment que la majorité est issue du Golfe persique et de l’Arabie saoudite. Ceci est apparu clairement en Afghanistan puis en Iraq, causant un rééquilibre de la balance au détriment de la présence égyptienne.
Il y a aussi une source importante de fondamentalistes djihadistes qui est apparue dans le Nord Africain (la Libye, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc) en plus des Etats du littoral africain et du Sahara (comme la Mauritanie et le Mali). En effet, les évolutions que cette région a connues pendant les 2 dernières décennies ont fait qu’elle est devenue la seconde source en forces humaines pour Al-Qaëda. En Libye et en Tunisie, on a formellement interdit aux islamistes de participer à la vie politique. Et en Algérie, la guerre civile ainsi que l’abolition du processus politique ont créé un environnement de djihad. De plus, le pouvoir de l’Etat est absent dans de nombreuses régions, comme le sud de l’Algérie et les régions limitrophes avec la Mauritanie, le Mali et le Sahara. Ce qui a permis à Al-Qaëda d’y circuler en toute liberté.
C’est ainsi que toutes les estimations sont d’accord sur le fait que les Libyens constituent la troisième force humaine à l’intérieur d’Al-Qaëda. Tandis que les moudjahidines marocains sont ceux qui répondent le plus à l’appel d’Al-Qaëda en Iraq. Alors que le groupe des fondamentalistes algériens (Al-Dawaa wal quetal) est le plus grand groupe armé qui s’est affilié à Al-Qaëda après sa fondation. Et la Mauritanie est le pays où Al-Qaëda s’est le plus activée pendant la dernière année.
C’est ainsi que la présence égyptienne est devenue quasi limitée à la direction, dont la personnalité la plus importante est Aymane Al-Zawahri, responsable de toutes les visions stratégiques de cette organisation mondialisée dont il est le leader effectif, puisque c’est le charisme de Bin Laden et sa force financière qui le gardent en tête d’Al-Qaëda.
Alahram Hebdo
numero 708